5. De l'autre côté

5.3. Les relations entre les deux Lorraines

Une frontière infranchissable et fortifiée de part et d'autre qui séparerait la France de l'Allemagne relève de l'image d'Épinal. Au contraire, hormis l'éphémère imposition par le Reich d'un passeport entre 1887 et 1891, les liaisons ont toujours été faciles. Les échanges portent en premier lieu sur les relations de famille entre les 120 000 optants de 1872 et leurs proches restés en territoire annexé. Puis ce sont les événements qui encouragent les excursions : pèlerinage sur les lieux des combats de 1870, manifestations culturelles, religieuses ou patriotiques…

Néanmoins, les destins des deux Lorraines s'éloignent inexorablement, moins du fait du découpage de 1871 que de l'évolution dissymétrique des deux entités. Ainsi, en 1911 il faut toujours deux heures pour relier Nancy à Metz par le train mais l'attractivité des 55 000 Messins sous influence strasbourgeoise ne résiste pas au poids des 120 000 Nancéiens.

Au niveau économique, on voit dans les deux cas se poursuivre les progrès industriels protégés par leurs systèmes douaniers respectifs. Cependant, l'intégration progressive de la sidérurgie mosellane à la Ruhr s'écarte du modèle français plus autonome mais doublement fragilisé par son besoin en matières premières du Reich et sa vulnérabilité stratégique. De même, l'affirmation de l'économie capitaliste passe par des financements nationaux concurrents au détriment de participations croisées entre les deux Lorraines. Rappelons d'ailleurs que les mouvements de population entre 1871 et 1914 correspondent à des transferts d'activité, non à la création de nouveaux réseaux transfrontaliers.

 

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