4. Le soldat
4.3. La violence
Dès le mois d'août, une forme nouvelle de violence en contradiction avec les « lois de la guerre » caractérise le conflit, celle, collective, des "crimes de guerre". C'est une violence collective, que l'on perçoit comme un système attribué moins au comportement individuel du guerrier ennemi qu'aux traits communs du peuple adverse qualifié de "barbare". Cette forme de violence est jugée inacceptable car elle s'en prend prioritairement aux populations non combattantes (les civils) et transgresse, phénomène nouveau, le droit international instauré et structuré dans les années d’avant-guerre (convention de La Haye de 1899, révisée et actualisée en 1907). Les travaux récents estiment à au moins 6 000 les victimes civiles de l'avancée allemande en Belgique et en France d'août à septembre 1914.
La violence individuelle, celle vécue par le soldat, prend elle aussi un caractère inédit. Assénée ou subie, elle différencie d'emblée le fantassin en "première ligne" du soldat-technicien (l'aviateur, l'artilleur, le sous-marinier) qui dispense une violence à distance dont il a une perception amoindrie. C'est le temps de la guerre impersonnelle où la mort est anonyme. Elle devient d'autant plus insupportable qu'elle s'accompagne souvent de l'absence des corps, pulvérisés ou disparus.
C'est enfin une violence à rebours que la censure et la propagande tentent en vain d'endiguer sur le front mais qui irradie vite toutes les sociétés. Ses effets sont multiples, tant physiques que psychologiques, et se transforment en une expérience partagée de la souffrance, un traumatisme collectif.