L’expression mémorielle et artistique

La persistance de l’Alsace-Lorraine dans l’œil de l’artiste

L'annexion de l'Alsace, d'une partie de la Moselle, de la Meurthe et des Vosges par l'Empire allemand est ratifiée par le traité de Francfort. Les Français pleurent la perte de ces provinces et peinent à s'approprier les nouveaux contours de leur pays, cette carte au liseré vert dessinée par l'Allemagne. La nouvelle frontière est incessamment représentée, parfois mise en scène sous l’œil du photographe, comme en témoignent les nombreuses cartes postales anciennes conservées aux archives départementales de Meurthe-et-Moselle (sous-série 2 Fi). Elle devient un lieu de commémoration, notamment à Mars-la-Tour en souvenir des combats qui s’y sont déroulés le 16 août 1870.

Le thème du deuil de l'Alsace-Lorraine ne quitte plus la scène politique, et par voie de conséquence les lignes de la presse ou les documents figurés. Sa persistance dure jusqu'au recouvrement du territoire au terme de la Première Guerre mondiale. Pour preuve, l'Exposition internationale de l'Est de la France qui s'est tenue à Nancy de mai à novembre 1909 se fait encore un écho tardif de cette blessure avec la présence marquée de l’Alsace. Le Rapport général de l’exposition… rédigé par Louis Laffitte [1873-1914] (Paris, Nancy, Berger-Levrault, 1912) fait état d’une relation apaisée, signifiant la visite de touristes allemands et traduisant les articles élogieux de la presse allemande quant à l’événement. Cependant, il relève aussi les sentiments gallophobes, pangermanistes, d’un journaliste du Zeit : « parce que la majorité des habitants de Nancy est d’origine alsacienne [par suite d’option], le visiteur allemand se sent chez lui, mais il éprouve en même temps une impression fort désagréable. Il se sent chez lui, en effet, puisque les Alsaciens sont Allemands, malgré leurs protestations, et, d’autre part, il lui est désagréable qu’ils ne veulent pas l’être » (article du 11 août 1909). L’amertume est réciproque. Pour exemple, en 1910, en couverture du n° 260 de L’écho de Maréville (PER 2849), journal satirique, Jules d’Essac n’hésite pas à traiter nos voisins sans ménagement, en leur attribuant des agissements rustres et punissables : le dessin présente deux Allemands, cachés derrière un talus, à l’affût d’une jeune Lorraine s’étant trop approchée d’une borne-frontière.