La période d’occupation de la ville n’équivaut pas à une atonie totale de la construction privée. Des projets ajournés reprennent dès la signature du traité de paix, par exemple, la maison du bijoutier Victor Kauffer au 23 rue Saint-Dizier dont la demande de travaux initiale date du 5 juillet 1870 ou encore la maison hébergeant l’actuel Goethe-Institut au 39-41 rue de la Ravinelle.
Les arrivants des territoires annexés qui en ont les moyens vont ainsi rapidement bâtir une demeure ou reconstituer leurs locaux professionnels. Ainsi en est-il de la construction dès mai 1871 d’un atelier rue de Metz par le lithographe messin François Émile Munier (1834- ?), ou encore de l’immeuble de l’architecte-entrepreneur mosellan Claude Jacquemin (1818-1890), déjà connu à Nancy pour l’édification de la basilique Saint-Epvre, alors en voie d’achèvement, sur les plans de l’architecte municipal Prosper Morey (1805-1886).
Les années 1871-1873 voient l’amorce du développement que vont connaître tout au long de la décennie les quartiers au nord de la gare et de la Vieille Ville, en particulier entre la voie de chemin de fer et la route nationale. La rue de Metz va se peupler de maisons de maître.
Le besoin en logements ouvriers préside à la constitution le 13 juin 1872 de la Société immobilière nancéenne, souscrite par actions, notamment par des arrivants alsaciens-lorrains. On retrouve parmi les administrateurs Antoine de Metz-Noblat, Jules Norberg, de la maison Berger-Levrault, et l’architecte Alexandre Mélin (1818-1876). Des constructions provisoires en bois, puis une cinquantaine de maisons en pierre sont rapidement construites, telle cette petite « cité » dans l’îlot formé par les rues de Boudonville, Isabey et Jacquinot en 1874.
Dans la ville, les façades historicistes restent relativement sobres – un éclectisme plus décoratif et sophistiqué ne fera son apparition que dans la décennie suivante. On pourrait y voir une volonté de contrition après la défaite alors qu’il ne s’agit peut-être que d’un relatif manque de moyens. La pierre jaune de Jaumont (Moselle), abondamment utilisée avant la guerre, semble disparaître au profit de la pierre blanche des carrières de Meuse qui va désormais donner son teint à Nancy.