23 mars 1624

Procès-verbal de l’exécution de Mougeotte de Blâmont, condamnée à mort pour sorcellerie et empoisonnement par la justice seigneuriale de l’abbé du monastère de Saint-Sauveur-en-Vosges, remise et exécutée sous l’autorité du prévôt de Blamont.


(Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, H 1390)

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Dans la seconde moitié du XVe siècle, le pape Innocent VIII publie une bulle prônant l’éradication de la sorcellerie dans les terres allemandes. Deux années plus tard, en 1486, Sprenger et Krämer, deux dominicains publient le fameux Malleus maleficarum (Marteau des sorcières) proposant une méthode pour traquer les sorcières. Alors même qu’il est rejeté par l’Inquisition, il devient l’ouvrage de référence dans cette lutte, complété ensuite par le De la démonomanie des sorcières (1580) de Jean Bodin, ou encore, pour la Lorraine ducale, par La démonolâtrie (1595) du procureur général de la cour de Lorraine Nicolas Rémy. Pour eux, lutter contre la sorcellerie, c’est lutter contre Satan et son action. Il s’agit alors d’un devoir pour le Salut de l’ensemble de l’Occident et donc d’une mission qui dépasse la seule individualité des personnes pourchassées.

Les pratiques jugées déviantes apparaissent notamment dans un contexte où les États tentent d’affermir leur contrôle sur le temps, l’espace et les sociétés. Ces pratiques troublant l’ordre public n’y ont donc pas leur place. De plus, les guerres, les épidémies et les mauvaises récoltes tendent à fournir un terreau favorable à ce genre de pratiques. En effet, ces crises tendent à affaiblir les États et l’autorité de l’Église, qui se sentent donc menacées de toute part et qui voient alors la sorcellerie comme une réelle menace. La Lorraine de l’époque moderne apparaît alors comme une terre particulièrement favorable pour l’essor, non de la sorcellerie, mais de la chasse aux sorciers et sorcières (appelés aussi « genots » et « genoches »). Dans le cas de la Lorraine, la sorcellerie donne l’occasion au duc de s’affirmer comme défenseur et protecteur de ses sujets et de l’Église catholique. Elle lui permet aussi de soumettre les âmes et les corps. Si l’on regarde les raisons invoquées pour accuser quelqu’un de faits de sorcellerie, on remarque qu’elles sont très marquées de superstitions. Une crue, des chutes de grêles ou encore une mort suspecte suffisent pour être accusé. Un exemple parmi nombre d’autres, en 1629, à Mattaincourt, le marchand Didier Parpignant est brûlé, avec sa femme et sa belle-fille, car il est accusé de bilocation. Il aurait prévu de signer deux contrats différents au même moment, dans deux endroits différents. Il s’avère qu’il utilisait en fait deux calendriers différents (un julien et un grégorien) en même temps.

En Lorraine, comme en France, il y a un glissement du combat judiciaire contre la sorcellerie de l’Inquisition vers la justice d’État. Dans les terres du duc, cette lutte s’échelonne sur plusieurs siècles. Le premier procès se tient à Gondrecourt-le-Château (près de Domrémy) en 1358, et le dernier concerne le curé de Ludres en 1757. Il y a des périodes de flambées de condamnation, notamment entre 1591 et 1600, puis entre 1611 et 1620, qui correspondent à l’activité des procureurs généraux Rémy, père et fils. Par la suite, le nombre de condamnations en sorcellerie tend à baisser, notamment sous l’influence de la politique française (Louis XIV transforme le crime de sorcellerie en délit de droit commun par une ordonnance de 1682). De plus, les autorités lorraines, civiles et religieuses, sont à présent solidement installées.

Trois niveaux d’autorités interviennent dans le cadre d’un procès de sorcellerie, en Lorraine. En premier lieu, le prévôt qui, aidé du maire et des gens de justice, conduit l’instruction. Vient ensuite le procureur qui rédige la prise de corps, l’application de la question et formalise la sentence, il fait le lien entre l’échelon local et le tribunal du Change. Ce dernier, également appelé tribunal des Échevins, est la plus haute juridiction du duché de Lorraine, mais est supprimé en 1633. À la tête de l’institution judiciaire ducale se trouve le procureur général de Lorraine. Celui-ci est à la tête du tribunal nancéien qui est chargé de contrôler les décisions des justices inférieures, d’examiner les dossiers et d’entériner les sentences. Elle est aussi une cour d’appel des décisions rendues par les justices inférieures, sauf pour les procès en sorcellerie qui sont dépourvus d’appel. L’un des procureurs généraux les plus connus est Nicolas Rémy (v. 1525-1612) qui est d’abord nommé par Charles III au tribunal des échevins en 1576, puis qui devient procureur général de Lorraine en 1591. La menace principale dans le duché, selon lui, sont les sorcières et sorciers qui sont donc sa cible principale. Il se vante même d’avoir envoyé plus de 800 personnes au bûcher. Ces tribunaux coexistent avec les tribunaux seigneuriaux.

Un procès de sorcellerie en Lorraine se déroule selon plusieurs étapes. En premier lieu, il y a la rédaction de la saisine, autrement dit, le juge note les raisons qui justifient que l’on poursuive la personne. Puis les officiers de justice récoltent les témoignages. Vient ensuite le temps des interrogatoires, c’est-à-dire de l’audition de bouche et de la confrontation de l’accusé avec les accusateurs. Si aucun aveu n’est proclamé à ce moment, alors il est décidé d’utiliser la question, c’est-à-dire la torture, pour les obtenir. Les gens de justice recherchent notamment la marque du diable qui peut être une marque physique ou encore une zone du corps devenue insensible. La suite du procès se déroule au tribunal des échevins avec, dans un premier temps, un rappel des motifs des poursuites pénales. Ensuite, l’accusé fait des aveux. S’il se rétracte, il est à nouveau soumis à la torture. Il est à noter qu’aucun avocat n’assiste l’accusé (pour éviter tout risque de « contamination » par le sorcier ou la sorcière). Enfin, la sentence au nom du « Salut public lorrain » est proclamée et aussitôt appliquée. Le condamné est alors mis au pilori, puis monte sur le bûcher dressé en place publique, si telle est la sentence. Les minutes du procès peuvent également être jetées au feu, ce qui explique les nombreuses sources lacunaires et qui rend difficile le dénombrement exact des victimes de la répression contre la sorcellerie. Pour terminer, le duché confisque, à son profit, les biens du condamné.

En Lorraine allemande, la répression suit un processus différent. Elle se place sous l’autorité de l’archevêque de Trêves et sous l’influence de la faculté de droit de Mayence. La traque des hexen (les sorcières en allemand) est donc menée par l’Église et elle y est d’une plus grande sévérité et violence qu’en Lorraine ducale. La chronologie est également quelque peu différente, puisque les deux périodes fortes dans cette chasse aux sorcières sont la fin du XVe siècle et la césure des XVIe et XVIIe siècles.

Références bibliographiques :

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