Les Observations de la Lorraine
Les archives départementales de Meurthe-et-Moselle sont dépositaires de la copie numérique d’un document exceptionnel détenu en mains privées. Il s’agit d’un manuel de grammaire latine dont les cent cinquante derniers feuillets, laissés vierges pour les exercices, ont été utilisés au cours des années 1714 et 1715 pour consigner un "mélange de plusieurs observations de la Lorraine" sous forme de notes et de relevés topographiques de grande qualité.
Leur auteur est anonyme. Cependant, le style du Mélange permet de l’identifier avec l’auteur d’un relevé du cours de la Meuse, daté de 1720, réalisé sous les auspices du premier ingénieur et géographe militaire du duc de Lorraine ; les états de frais consignés dans le Mélange et les allusions aux salaires des arpenteurs employés montrent que son auteur agit dans le cadre d’une entreprise d’envergure.
Le carnet permet de suivre deux itinéraires : du 3 au 15 septembre 1714 de Nancy à Rezonville, et en mai-juin 1715 dans les environs de Sierk-les-Bains ; les dernières pages portent des relevés partiels effectués dans les environs de Toul.
La méthode ne tire que partiellement parti des connaissances scientifiques de son temps : s’il utilise des instruments de visée et un podomètre pour compter ses pas, c’est aux témoignages recueillis auprès les habitants que l’auteur a recours pour évaluer les distances et situer les localités.
Plusieurs termes ont successivement désigné les auteurs de la carte, qui témoignent de la lente sédimentation de la science cartographique. On peut les regrouper en deux catégories : d’une part, les techniciens ("arpenteur", "ingénieur", "cartographe" dans sa première acception) pour lesquels prime un savoir artisanal de réalisation au service d’un commanditaire ; d’autre part les scientifiques qui font de la carte le résultat d’une réflexion fondée sur l’observation de la nature ("géographe") ou de la description astronomique du monde ("cosmographe"). |