Retour quelques années en arrière peut-être, dans vos lectures de jeunesse, où Roger Hargreaves (1935-1988) faisait vivre de formidables aventures à des Monsieur Madame hauts en couleurs. Aujourd’hui, nous vous invitons à suivre Monsieur Parfait et Madame Mauvais chez le notaire. Rien de moins curieux… Cette rencontre prête à sourire, mais est bien véridique. Au détour d’une recherche dans les actes notariés de maître Jean-François Antoine Besval, notaire à Nancy de 1839 à 1866, un petit dossier a tout de suite attiré l’attention. Demoiselles Clémence et Virginie Mauvais et Monsieur Jean Joseph Parfait ont comparu le 26 septembre 1840 devant ce notaire pour une transaction. Il est à noter que maître Besval reçut à de nombreuses reprises Virginie Mauvais d’après les répertoires des actes civils publics, mais ce ne sont pas ces excursions administratives qui ont rendu illustre la jeune femme ! (cliquer sur la vignette pour accéder à l'acte notarié).

En effet, femme de courage, Virginie Mauvais (3 août 1797-27 juin 1892) permit l’éducation de jeunes demoiselles en ouvrant une école au rez-de-chaussée du pavillon qu’occupe aujourd’hui le Grand Hôtel de la Reine et en participant à l’amélioration des pratiques d’apprentissage, notamment avec la publication d’une Leçon de lecture et d’orthographe pratique. Remarquée pour son engagement, elle est nommée inspectrice des écoles du département de la Meurthe, puis officier de l’Instruction publique en 1852. Après avoir mis un terme à son activité d’enseignante, Virginie Mauvais ne cesse d’œuvrer pour les autres, ce qui lui vat sa renommée de bienfaitrice de la ville de Nancy. Les nombreux documents conservés aux archives départementales de Meurthe-et-Moselle attestent de cette bienfaisance. Notamment, le dossier de donation à la ville de Nancy (cliquer sur la vignette pour accéder à l'acte de donation) et la déclaration des mutations par décès (3 Q 8447) mentionnent la volonté d’édifier un pavillon à l’hôpital civil de Nancy (qui prendra à perpétuité le nom de « Pavillon Virginie Mauvais ») afin de recevoir les malades indigents et venir au secours des enfants. Son testament, reçu par maître E. Marc, notaire à Nancy, le 19 mars 1890, appuierait probablement ces propos. Cependant, les archives de ce dernier n’ont pas encore été versées aux Archives départementales et demeurent à ce jour au sein de l’étude successorale. Aujourd’hui, dans les murs de la ville qui l’a vu naître et mourir, peu de témoignages subsistent. L’hôpital civil de Nancy détruit depuis, seules deux des conditions énoncées lors de la donation de ses biens demeurent : une plaque commémorative sur la façade de sa maison natale au n° 70 Grande Rue et un monument funéraire dont elle avait elle-même édicté la composition dans le cimetière de Préville (voir document ci-dessous). En sus de ces hommages, une rue nancéienne porte également son nom, le long du canal.

Malgré une vie de générosité et d’engagement, Virginie Mauvais demeure relativement dans l’ombre. Peu de publications et articles sont à recenser, le plus complet étant rédigé par Jean Hurstel dans Le Pays lorrain en 1997. D’ailleurs  la consultation des différentes archives a mis en lumière des éléments à approfondir qui remettent en question les recherches déjà effectuées sur la famille Mauvais. En effet, deux enfants sont toujours mentionnés : Zénon (né le 13 avril 1803 et éditeur de musique aux États-Unis) et Virginie, dont les actes de naissance sont consultables en ligne sur le site des archives départementales respectivement sous les cotes 5 MI 394 / R 119 et 5 MI 394 / R 113. Or qu’en est-il de Clémence, qui figure dans l’acte notarié du 26 septembre 1840 reçu chez maître Besval, et d’Androphile, né le 17 novembre 1794 en la ville de Nancy (5 MI 394 / R 111) et repéré sur la table décennale de l’état civil de Nancy (archives municipales de Nancy, 5 E 2) ?

Combien d’enfants ont eu les parents de Virginie, Nicolas Mauvais et Anne Marie Lefebvre ? Quelles destinées ont connues Clémence et Androphile ?

Ces éléments et bien d’autres probablement restent à élucider. Monsieur Madame Curieux laissons place à Messieurs Mesdames Investigateurs… À vos recherches !

État des fonds conservés aux archives départementales de Meurthe-et-Moselle :

• 5 MI 394 / R 113 : Acte de naissance de Virginie Mauvais, Nancy ;
• 5 MI 394 / R 119 : Acte de naissance de Zénon Mauvais, Nancy ;
• 5 MI 394 / R 111 : Acte de naissance d’Androphile Mauvais, Nancy ;
• 1 M 730 : Palmes académiques, prospections et promotions, dossier individuel, 1881-1885 ;
• H-Dépôt Nancy 301 : Hospices civils de Nancy, dons et legs, dossier individuel, 1890 ;
• 4 O 753 : Dons et legs, dossier V. Mauvais ;
• 4 E 230 : Acte notarié, maître Besval, 26 septembre 1840 ;
• 3 Q 8519 : Table des successions et des absences, Nancy, 1892 ;
• 3 Q 8447 : Mutation par décès, 1892.

Quelques pistes de recherche :

• Archives départementales de Meurthe-et-Moselle :
• 2 E 394 : registres paroissiaux (baptêmes, mariages, sépultures) ;
• Sous-série 3 Q : Répertoires des actes civils publics ;
• Sous-série 1 T : enseignement ;
• Archives municipales de Nancy (registres d’état civil, recensements de la population, bulletin administratif notamment).

Sources bibliographiques :

• PER 18 : Hurstel (Jean), « Une bienfaitrice de la ville de Nancy, Virginie Mauvais (1797-1892), Le Pays lorrain, vol. 78, n° 4, oct.-déc. 1997, p. 281-285 ;
• 8° 3061 : Estrada de Tourniel (Jérôme), Lorraines, Tours, Éditions Sutton, 2018, 177 p ;
• 8° 3102 : Brasme (Pierre), Femmes d’exception en Lorraine, Villeveyrac, Le Papillon rouge éditeur, 2018, 264 p.
• BA 4 : Conseil municipal de Nancy, Procès-verbaux des délibérations du conseil :
  • Pavillon Virginie Mauvais à l’hôpital civil, approbation des plans et devis, année 1891, p. 78-80 ;
  • Dénomination de la rue Virginie Mauvais, année 1894, p. 260 ;
  • Emploi du reliquat de la donation de Mlle Virginie Mauvais, année 1894, p.363-364.